L’art de dessiner
Le geste de dessiner remonte aux origines de l’humanitĂ©. L’art pariĂ©tal abonde en exemples de formes gravĂ©es, autrement dit dessinĂ©es en creux, ou peintes de telle sorte que leur contour est seul indiquĂ© ou qu’il est soulignĂ© par un cerne : animaux, reprĂ©sentations humaines ou anthropomorphes, mains. Une tradition du dessin, rapportĂ©e par Pline l’Ancien dans son Histoire naturelle veut que le premier acte artistique ait Ă©tĂ© produit par une jeune fille amoureuse qui traça sur le mur le contour de l’ombre de son amant prĂŞt Ă partir en voyage.
Quoi qu’il en soit, très peu de dessins anciens ont subsistĂ©. De l’AntiquitĂ©, nous conservons entre autres une mise au carreau de Thoutmosis III, mais aucun vestige grec ou romain ; du Moyen Ă‚ge, un petit nombre, dont les dessins Ă la plume du Psautier d’Utrecht, Ă l’Ă©poque carolingienne. A partir de l’Ă©poque gothique, ils sont un peu plus nombreux Ă nous ĂŞtre parvenus: ils prennent alors la forme de recueils de modèles, ou taccuini (taccuino au singulier), oĂą les artistes dessinateurs puisent leur inspiration et qu’ils se transmettent de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. Un exemple cĂ©lèbre de ces recueils d’exemples (exempta) dont l’existence sera remplacĂ©e plus tard par les gravures, moyen plus efficace encore de diffuser les modèles picturaux, est celui de l’architecte picard Villard de Honnecourt, qui date du premier tiers du XIIIe siècle.
Cette raretĂ© des dessins anciens s’explique par la fragilitĂ© du support: le papyrus d’abord, puis, Ă partir de la fin de l’AntiquitĂ©, le parchemin – du latin pergamena, « [peau de mouton ou de chèvre] de Pergame» (l’actuelle Bergama, en Turquie) en Ă©tait un gros centre producteur E ou le vĂ©lin (peau de veau). Elle s’explique plus encore par le peu de valeur qu’on accorda longtemps au dessin, regardĂ© comme une Ă©tape prĂ©alable Ă la mise en couleur et non comme un art en soi, une esquisse avant de peindre. Ce n’est qu’Ă partir de la fin du XVe siècle et du dĂ©but du XVIe que le dessin commence Ă ĂŞtre apprĂ©ciĂ©, donc pratiquĂ© et poussĂ© jusqu’Ă l’Ă©tat d’Ĺ“uvre achevĂ©e ; il est alors conservĂ©, vendu ou offert comme un prĂ©sent de prix. Dans la seconde moitiĂ© du XVe siècle, par exemple, le taccuino de Jacopo Bellini, peintre et dessinateur vĂ©nitien, dont a hĂ©ritĂ© son fils Gentile, est emportĂ© par ce dernier en Orient et donnĂ© en cadeau au sultan ottoman (ses 101 feuilles sont aujourd’hui conservĂ©es au British MusĂ©um de Londres).
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