Acheter une peinture de couleur grise, la couleur absolue pour certains artistes. C’est la couleur que l’on associe au mauvais temps, celle qui nous fait saisir un parapluie ! Le gris n’est ni blanc, ni noir, c’est un entre-deux qui peut être neutre. La plupart du temps, il est associé à la tristesse et la mélancolie, mais pas seulement…
Tableaux contemporains de couleur grise
Le gris c’est le mélange du noir et du blanc
Pour nous, c’est une évidence. À l’école, nous apprenons à l’obtenir en mélangeant du noir et du blanc ; selon les proportions de ces deux couleurs, nous obtenons un gris plus ou moins sombre. Mais au Moyen Âge, le gris n’était pas un mélange. Le mot provient du latin griseus ; ce n’est pas encore une couleur, mais un terme qui évoque les taches, l’absence de netteté et de franchise.
Un cheval « gris », au XIIe ou au XIIIe siècle, n’a pas la robe grise mais tachetée, pommelée, mouchetée.
Le gris amène la gaieté
C’est au XVe siècle que le gris apparaît vraiment, lorsque les teinturiers réussissent à le fabriquer et à lui donner une teinte lumineuse qui plaît beaucoup aux plus riches. Les hommes surtout avaient alors dans leur garde-robe uniquement des vêtements sombres, souvent noirs; Le gris allait amener un peu de gaieté dans leur vie ! Pour eux, c’était une couleur pas trop voyante, qui permettait de rester élégant tout en respectant les valeurs chrétiennes : discrétion et modestie. Le gris devient peu à peu le contraire du noir, puisqu’il est une couleur plus claire et surtout plus lumineuse. Le noir étant aussi à l’époque un signe de deuil et de désespoir, le gris devient un symbole d’espoir. Mais cette période ne dure pas et le gris redevient vite une couleur triste, qui évoque la vieillesse…
Le portrait gris
Le peintre américain John White Alexander aime travailler par tonalités quasi monochromes, guidé par la couleur des vêtements de ses modèles. Avec Portrait gris, c’est bien sûr la robe qui est le sujet principal du tableau. Le peintre étudie avec précision les différentes nuances que l’étoffe grise revêt en fonction des plis et de la lumière. Son modèle nous tourne le dos, comme si nous la découvrions pendant l’entracte d’un opéra ou d’une pièce de théâtre, à moins qu’elle ne s’apprête à retourner danser ?
Le gris devient ici la couleur de l’enchantement, de la beauté, de l’espoir et de la jeunesse. La jeune fille, qui laisse percevoir un léger sourire, est confiante. Elle sait que le portrait d’Alexander va l’immortaliser sous son meilleur jour, lumineuse et séduisante, avant que sa beauté, telle la fleur rouge dans ses cheveux, ne se fane…
Les tableaux de Giacometti et le gris
Avec Giacometti, le gris est une symphonie aux tonalités plus tragiques. Il veut représenter en peinture ou en sculpture le visage de ses proches mais, malheureusement, il est rarement satisfait du résultat.
Il souhaite produire un portrait qui sera le plus juste et le plus vivant possible, et procède pour cela par élimination, soustraction de matière et de couleurs.
« Au cours de mon travail, explique-t-il, j’ai dû éliminer les couleurs les unes après les autres, elles ont toutes déserté ; il ne restait plus à la fin que le gris, le gris, le gris ! »
Dans les portraits sur fond gris, le peintre revient sans cesse pour « modeler » le visage avec des lignes, grises, noires et blanches. Il doit orchestrer ces trois couleurs pour obtenir une grisaille aussi proche que possible de sa vision.
Exigeant, il demande à ses modèles de poser de longues heures, voire plusieurs jours de suite. Annette, sa compagne, écarquille les yeux, attentive au regard que pose l’artiste sur son visage. Ses yeux, son grand front ses joues, sont animés par un réseau de lignes qui transmettent énergie et présence à cette fluette et sobre silhouette.
À ses amis qui lui demandaient pourquoi il ne peignait pas avec des couleurs, Giacometti répondait : « Le gris n’est-il pas une couleur ? Si je vois tout en gris, et dans ce gris la multitude de toutes les autres couleurs que je ressens et que je voudrais communiquer, pourquoi devrais-je en utiliser une autre ? » Pour cet artiste contemporain, le gris est la couleur la plus proche de la vie.
Le gris sur la palette du peintre
Les teinturiers utilisent des bains dans lesquels ils plongent des écorces d’aulne ou de bouleau, qui, mélangées à des sulfates de fer, créent une eau plus ou moins noire, tendant vers le gris, dans laquelle ils plongent les étoffes.