Qui est Pollock ?
Promoteur de l’expressionnisme abstrait et plus particulièrement de l’action painting ou peinture gestuelle, Pollock peint ce qu’il est: un artiste à l’écoute de son inconscient et rongé par l’alcool. Il développe une technique révolutionnaire, le dripping, emplissant ses toiles de taches et de coulures filandreuses entremêlées, sombres ou colorées.
Jackson Pollock offre une représentation de lui-même, basée sur l’inconscient. Il travaille à l’huile, sur des supports tels que toile, Isorel et contre-plaqué, de petits, moyens, quelquefois grands et très grands formats.
P. Guggenheim est son premier commanditaire et mécène, le M.O.M.A. le premier musée à lui acheter une toile (The She-Wolf) en 1944.
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Enfant, il côtoie l’art indien, les peintures de sable, puis, à New York, s’intéresse au muralisme mexicain. Il découvre l’art de Picasso et de Miró à travers les Cahiers d’art , avant de rencontrer les artistes eux-mêmes. Le surréalisme l’intéresse. Il participe au mouvement des expressionnistes abstraits.
Ses premières œuvres, sous la conduite de T. H. Benton, peintre hostile à l’imitation de l’avant-garde européenne et respectueux de la Renaissance italienne, attestent sa connaissance de l’art indien, mexicain et européen, et surtout de sa capacité à les assimiler.
Au début des années 1940, son expression devient personnelle et repose sur une synthèse esthétique. De Picasso, il retient l’invention graphique curviligne (Sténographie Figure) ; chez Miro, il apprécie le motif libre «biomorphique»; des surréalistes, il reprend l’écriture automatique et le rôle de l’inconscient associés à sa démarche analytique personnelle (The Moon Woman Cuts the Circle, Guardians of the Secret).
Son intérêt pour la peinture murale et ses réflexions l’incitent à abandonner le tableau de chevalet. Il mêle ses références artistiques, les influences amérindiennes et le symbolisme mythique et totémique jungien. Sa conception graphique et le recours à une symbolique figurative révèlent sa sensibilité picturale, son éloquence, sa force et la densité de la matière qu’il met en œuvre.
En 1944, il a résolu la question du rapport figure-fond et recherche ce qu’il nomme la « non-objectivité» afin de «voiler l’image», qu’il déconstruit. Il s’éloigne de l’utilisation surréaliste de l’image et se rapproche de Masson qui traduit les pulsions non imagées de l’inconscient.
Résolument opposé au décoratif, il crée en 1945-1946 des œuvres plus angulaires, encore semi-figuratives (TheBlue Unconscious).
Vers 1947, après des va-et-vient entre figuration et abstraction, Pollock se lance dans une démarche qui sera qualifiée par le critique C. Greenberg de « all over » (remplissage de la surface) : cette radicalisation de l’abstraction met en avant l’impossibilité de décomposition de l’œuvre selon les critères de fond et forme, la disparition du motif, la mise au même niveau de tous les éléments, l’annulation de chaque touche de couleur par celle qui la suit (Eyes the Heat).
Jackson Pollock devient le maître de l’expressionnisme abstrait, de l’action painting (Cathedral). Il délaisse le tableau de chevalet pour d’immenses toiles, abandonne les techniques traditionnelles au profit du dripping. Il contourne sa toile posée sur le plancher; il marche dessus, entre dedans, une démarche qui m’inspire dans certaines de mes oeuvres.
«Il regarde donc son travail d’en haut; la fonction de l’artiste peintre contemporain est celle du démiurge, elle déchaine l’action tout en la dominant». Il se déplace latéralement dans la peinture et affirme que « ce qui devait se passer sur la toile n’était pas une image mais un fait, une action ». La rapidité d’exécution domine la matière, le sujet de l’œuvre résulte du corps, la trace gestuelle se substitue à la couleur, « la ligne est entièrement transparente […], ne structure pas» et crée l’«espace optique». Le noir, le blanc et le gris-bleu, couleurs de la laque et de la peinture d’aluminium que Pollock utilise dominent. L’artiste mène un combat pour parvenir à un équilibre entre création contrôlée et spontanée; la première s’emploie au tracé noir d’entrelacs qu’il appelle l’« image initiale » ; l’autre, libre et émergeant de l’inconscient, produit un labyrinthe complexe de gouttes et de coulures plus ou moins colorées, en plusieurs étapes, jusqu’à la saturation visuelle (Arabesque: Number 13 A).
Pollock serait un jazzman de la peinture à la manière de Charlie Parker ou de John Coltrane qui « rejouent plusieurs fois de suite “par-dessus” leurs propres enregistrements».
En 1950, il maîtrise totalement son art : l’espace de la toile semble immense, les gradations du coloris sont douces, la délicatesse du graphisme extrême. Aux toiles parfois totalement recouvertes de peinture et de couches superposées à l’excès (Tiger: Number J), il substitue un graphisme aérien, une matière fluide et légère qui laisse apparaître un fond de toile de ton neutre, créant, pour reprendre les termes de C. Greenberg en 1950 à propos de One et Rhythm, une étonnante « profondeur plate [… ] une troisième dimension strictement picturale, strictement optique».
Il est parvenu, avec rage, à cacher l’image, la figure, dans un tissage fragile et noueux dont l’œil cherche à suivre les méandres.
À ce degré d’aboutissement, qui constitue une limite extrême, mais aussi fatigué, affaibli par l’alcool et son mal-être psychique, Pollock retourne en 1951 à la figure lisible, aux Black Paintings (des tracés noirs sur fond blanc) exécutées à la brosse (Number 7), parfois proches de Picasso. Les toiles non préparées boivent le pigment comme un buvard, créant une gamme subtile, du noir de jais au gris pâle. Il peint aussi en couleur (Portrait and a Dream), revient par intermittences au dripping (Blue Pôles).
Dans les toutes dernières œuvres, visuellement abstraites mais suggestives par leurs titres, Jackson Pollock emploie une poche à douille de pâtissier qui projette des jets épais de peinture. Sa plastique varie du cotonneux (The Deep) aux traits et taches enchevêtrés (White Light).
Encouragé très tôt par P. Guggenheim, Jackson Pollock devient célèbre dans les années 1950 grâce à la photographie et au film de H. Namuth qui le montrent au travail dans son atelier, et aux écrits des critiques H. Rosenberg et C. Greenberg. Il est reconnu par les rétrospectives du M.O.M.A., dès 1956 et 1957, qui seront régulièrement suivies par d’autres de la fin des années 1970 à aujourd’hui: New York, Paris, Houston et Londres.
Pollock crée la peinture gestuelle appelée l’action painting, qui abolit les rapports traditionnels du peintre à la peinture.
Dans son œuvre, l’abstraction est dépourvue de sujet et d’objet: ses drippings portent le plus souvent le titre de Number, parfois précédé du nom des couleurs projetées sur la toile ou d’un titre qualifiant.
Pollock utilise des matériaux nouveaux: la peinture métallisée, ou à carrosserie, parfois un support à base de fibres de bois.
Il porte le dripping, inventé par Ernst, à son degré d’incandescence; il projette sur une toile étalée au sol des gouttelettes de peinture fluide qui s’écoulent d’un fond percé de petits trous, les enrichit de fines coulures de peinture obtenues à l’aide d’un bâtonnet trempé dans un récipient.
Il invente le all-over, plaçant sur un même niveau tous les points de la toile.
Le résultat plastique forme un enchevêtrement de coulures orientées, rectilignes et souples, et de petites taches de tailles variées.