Qui est Basquiat ?
Jean-Michel Basquiat est devenu l’ami du temps au sein de son art. Il y est parvenu en grande partie en incorporant dans ses peintures et ses dessins certaines idées propres à la musique et à la scène – des formes d’art temporelles.
Ce n’est pourtant qu’un aspect de cette oeuvre qui se révéla si important pour la croisée des univers artistiques et musicaux et pour l’histoire de l’art contemporain.
Avec ses garçons filiformes aux yeux de rayons X, ses poètes et ses griots, son panthéon de héros et de truands, et cette singulière concentration sur les mots en image, l’œuvre de Basquiat est une attaque critique des idées conventionnelles sur la mort, sur l’histoire et sur l’impulsion créatrice.
Entre 1978, année où il quitta le domicile familial de Brooklyn, et 1988, année de sa mort, l’art de Basquiat fut, avec son franchissement des limites, un témoin et un allié de l’une des périodes d’innovation les plus fructueuses de la culture américaine.
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Ses débuts, en particulier, ont opéré la synthèse de la performance, de la musique et de l’art visuel d’une façon totalement inédite et, à ce jour, sans égale. Aucun artiste n’a si profondément incarné un mouvement culturel que Jean-Michel Basquiat lorsqu’il personnifie la culture hip-hop avant même la création du terme.
Si vous comprenez ce que veut dire hip-hop, alors, même si vous ne possédez aucune des toiles de Basquiat, vous en avez sans doute une compréhension que les propriétaires n’ont pas.
Dans le hip-hop, nous n’avons pas encore le sens du sacré de notre musique. Le hip-hop est dans la plus pure forme de la tradition africaine, orale, et nous n’avons pas de livres susceptibles de dire ce qu’il faut ressentir.
Jean-Michel Basquiat se voyait comme un artiste, mais cela dissimulait sa capacité profonde à agir comme une sorte d’oracle, qui distillait sa perception du monde extérieur jusqu’à en tirer la quintessence avant de la projeter à nouveau par le biais de ses créations.
La prise de conscience de ce rôle se manifesta tout d’abord dans la rue quand, sous le nom de samo, il transformait ses propres observations en messages cryptés qu’il inscrivait sur les édifices de son environnement urbain.
Cet effort devint rapidement le fondement de sa première production artistique, au milieu de laquelle on trouve une série de dessins avec images et textes exécutés au début de 1981. Ne contenant qu’un seul mot, une courte phrase ou une simple image faisant référence à une personne, à un événement ou à une récente observation, chaque dessin de Basquiat raffinait à l’extrême une perception externe.
Quand il exposa dans des galeries, Basquiat fut guidé par le même processus de distillation – que ce soit dans le contenu de son œuvre ou dans sa stratégie stylistique.
Ses peintures proclamaient l’existence d’une vérité plus fondamentale cachée au cœur d’une pensée ou d’un événement donné. Tout au long de sa carrière, le jeune artiste fit preuve, à l’égard des aspects émotionnels et spirituels de sa propre personnalité, de cette acuité d’observation qu’il réservait précédemment à son environnement.
Dès la première moitié de 1981, âgé d’à peine vingt ans, Basquiat vécut ce qui allait devenir une étape déterminante de sa carrière. Examinant ses expériences, il y découvrit la possibilité, riche quoique implicite, d’aborder des préoccupations humaines plus vastes, et il produisit en dix-huit mois cinq œuvres clés : Sans titre (Head), Acque Pericolose, Per Capita, Notary et La Colomba (1983).
Ces œuvres d’art ne se contentent pas d’éclairer cette période de la carrière de Basquiat, elles révèlent aussi la profondeur de l’intérêt qu’il porte à la représentation de l’expérience spirituelle. On a beaucoup écrit sur la personnalité quasi mythique de cet artiste et sur son rôle dans la renaissance du monde artistique new-yorkais au début des années 1980, mais on s’est moins intéressé au pouvoir irréfutable de ces œuvres, celui de transcender l’individuel pour aborder des problèmes plus amples et des thèmes universels.
On peut voir dans ces œuvres clés et dans leur manière d’aborder le dualisme – c’est-à-dire des idées ou des systèmes philosophiques totalement opposés – la véritable stratégie picturale de l’artiste.
À cet égard, le dessin de 1981 montrant deux plateaux d’une balance bien équilibrés sous lesquels sont inscrits les mots god et law (Dieu et la Loi).
Pour Basquiat, ce dessin révélait la dichotomie existant entre la liberté d’expression exigée par sa propre activité créatrice et les nécessités de la responsabilité sociétale.
Nombre des dualités évoquées dans son œuvre naissent de la reconnaissance de la situation difficile qui est la sienne, celle d’un jeune Noir dans un monde artistique blanc.
Basquiat avait le réel souci d’incorporer la dichotomie noir / blanc au contenu et aux stratégies de sa production artistique. On en a un premier exemple avec la volonté délibérée de passer du noir au blanc caractéristique de cette sérigraphie sur toile non titrée datant de 1983 : dans l’œuvre originale, l’artiste représentait une tête noire posée sur une accumulation de textes et d’images.
Mais la sérigraphie inverse l’imagerie et les textes positifs, transformant en blanc tout ce qui était noir à l’origine et en noir tout ce qui était blanc.
Tout au long de sa carrière, Basquiat s’intéressa à d’autres dichotomies suggestives : richesse et pauvreté, intégration et ségrégation, ou encore expérience intérieure et expérience extérieure.
Ces cinq œuvres déterminantes montre comment Basquiat utilisa ces dichotomies en vint à définir son travail.