Qui était Caravage ?
Le Caravage, artiste révolutionnaire, aventureux et violent, mais humaniste témoigne d’une conscience novatrice : il introduit le quotidien dans le sacré. Il affirme une perception religieuse nouvelle la représentation de la vérité des êtres et des choses; ses personnages imposent leur poids de chair et de sang. Son œuvre est caractérisée par la révolution stylistique dans l’emploi du clair-obscur.
Le Caravage peint d’abord principalement des tableaux de chevalet de petit format, sur la vie quotidienne : musiciens, scènes de tavernes, enfants avec fruits et fleurs, diseuses de bonne aventure pour des commanditaires privés, principalement le cardinal Del Monte et le marquis Giustiniani.
Il réalise ensuite de grands tableaux pour les églises, montrant de pieux vieillards, des soldats, des bohémiens, des courtisans et de jeunes voyous, présentés grandeur nature, à mi-corps ou en pied.
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Le Caravage a sans doute vu les œuvres du Brescian G. G. Savoldo qui oppose des zones d’ombres et des masses lumineuses, d’A. Campi (Crémone) qui prône la réalité et le naturel, du Corrège et de ses éclairages nocturnes, du Génois L. Cambiaso et du Siennois Beccafumi au luminisme original. Il connaît aussi le Vénitien Lotto et son chromatisme froid et clair, Giorgione et son célèbre Orage, le Tintoret, peintre des ombres immenses, J. Bassano et ses «nocturnes».
Son réalisme s’inspirerait des scènes de marché du Hollandais P. Aertsen, présent en Italie, et du réalisme rustique de Bassano. À Rome, l’art de Carrache et la monumentalité des personnages de Masaccio trouvent un écho dans les grandes toiles du Caravage.
Dans les premières œuvres du Caravage transparaît son goût du naturalisme poétique, puisé dans la vie quotidienne: Baccbus est vu en jeune garçon romain et non pas en dieu de la mythologie. L’artiste adopte des cadrages à mi-corps : les personnages sont vus en gros plan afin de rapprocher le sujet du spectateur.
Un éclairage latéral met en valeur les individus. Des effets de lumière subtils découpent des surfaces sombres sur un fond clair (le Repos pendant la faite en Égypte). Son premier métier est lisse, le clair-obscur contrasté, la réalité et le naturel novateurs, les teintes sont claires et tonales, comme en témoigne sa Corbeille de , vrai «morceau» de peinture autonome, qui exalte l’extrême maturité des fruits et le début de dessèchement des feuilles.
Les œuvres de Rome (cycle de la Vie de saint Matthieu) font exploser le cadre traditionnel de la peinture de l’époque par la conception réaliste des sujets sacrés, soutenue par la plastique du clair-obscur, persuasif et pénétrant, qui révèle des formes sobres.
La lumière, primordiale, fige les gestes et l’action dramatique dans un rai qui foudroie l’obscurité. Elle souligne tous les détails dans une implacable vérité picturale, restitue aux couleurs sobres et tonales leur intensité dans un métier lisse.
Les figures sont saisies physiquement et spirituellement dans un silence intemporel, intériorisant l’instant historique. La Conversion de saint Paul montre combien le Caravage est un grand créateur de formes simples, de compositions solides et claires où il cueille la vérité de l’instant et l’immobilise.
Il associe le réalisme à un art stylisé comme l’attestent, dans la Madone des pèlerins, la grâce et la beauté de la Vierge, opposées à la pauvreté et à la rusticité des paysans au visage usé et ridé, la simplification des mains et des pieds des paysans et la symbolique du bâton mué en «bâton de » lumière « . Dans une œuvre comme la Mort de la Vierge, il ose représenter » la Vierge comme une simple femme du peuple, saisie dans la mort, sans que sa dimension spirituelle en soit altérée.
Les dernières toiles monumentales, tragiques, sobres et austères, révèlent des espaces nus et sans décorum, sans drapé rouge; elles sont plongées dans une monochromie de bruns ou des demi-teintes terreuses brun-rouge, «comme coulées dans le bronze» (R. Longhi). Le Caravage se sert de la préparation brune, de l’alternance des parties claires et sombres, comme éléments de lumière et d’obscurité ; la lumière devient sourde et feutrée. La technique se fait plus lâche, plus rapide, elle montre une grande économie de moyens.
Très connu et peu apprécié par ses contemporains, autant pour sa vie dissolue que pour ses œuvres, sauf de quelques connaisseurs, le Caravage crée une nouvelle esthétique qui connaît un succès immense : son art est copié, interprété par plusieurs dizaines d’artistes européens pendant plus de trente ans.
Le caravagisme s’éteint avec le caravagesque français Valentin de Boulogne (mort en 1632).
Cependant, des artistes plus tardifs auront une période caravagesque (L. Giordano). Oubliée, son œuvre est redécouverte dans les années 1930 par R. Longhi, qui lui consacre un ouvrage en 1952.
Le Caravage rompt brutalement avec le maniérisme. Il crée un art révolutionnaire dominé par le réalisme populaire et un clair-obscur personnel.
Le peintre crée un nouveau répertoire thématique et formel. Dans sa période de jeunesse, il interprète librement les schémas iconographiques traditionnels (Bacchus), peint la première nature morte de l’histoire de la peinture traitée pour elle-même (la Corbeille de fruits) et représente les saints comme de simples gens du peuple. Dans sa période de maturité, il peint les sujets religieux comme des scènes de genre (la Vocation de saint Matthieu), sans souci des conventions de l’époque – ni Dieu, ni ciel, ni mouvement. Il ose montrer la Vierge morte, le corps enflé, les jambes découvertes (la Mort de la Vierge).
Il ne réalise pas de dessin préparatoire mais applique directement la couleur sur la toile. À la fin de sa vie, il utilisera la couche de préparation comme élément plastique.
Le Caravage révolutionne le clair-obscur comme moyen d’expression plastique dont la portée est émotionnelle.
Il s’affranchit ainsi de la dichotomie dessin-couleur.